Publié sur Linkedin, le 30 octobre 2023.
Voici, réalisée par Axa, une nouvelle et fort riche cartographie des risques, ou plutôt de la perception des risques, par des experts, et par le grand public, en 2023. Avec l’émergence dans les avis d’experts de la notion de polycrises qui devient le « new normal » du moment.
Pareille étude est indispensable à la mise en place (qui demande toujours du temps) et à la consolidation (qui demande toujours de la persuasion) d’un environnement général qui puisse aider à orienter les pratiques managériales.
Il y manque toutefois une dimension décisive, certes difficile à manier : nos cultures et règles de référence fondamentales permettent-elles aux décideurs de mieux ancrer, dessiner, engager, leur action sur les risques actuels ?
Tous les risques identifiés par le rapport ont comme caractéristique fondamentale et commune de sortir de nos cadres de référence – notamment en termes de gravité, de probabilité, de capacité à déborder de leurs niches pour devenir instantanément systémiques, à se combiner entre eux. Très loin de nos logiques de référence comme de nos pratiques.
Or, justement, le constat que l’on peut – et doit – aussi faire est que nos organisations – sauf les meilleures – sont particulièrement rétives à envisager toute question sortant des domaines de vol de nos visions et politiques, démarches et outils. Et cela quel que soit le domaine.
Ainsi, sous la cartographie qu’Axa dresse avec brio, une vulnérabilité structurelle ne cesse de s’accentuer en souterrain :
- Nous sommes très bons (et heureusement) pour identifier des risques dont la caractéristique essentielle est qu’ils sortent tous de nos cadres de référence ;
- Mais nous laissons dans l’ombre la réticence profonde à nous préparer à tout ce qui sort de ces cadres convenus.
Aussi longtemps que les réponses, dans les organisations les plus exposées, sont le plus souvent du type :
« Nous ne sommes pas encore prêts pour une préparation au hors-cadre, nous devons avant consolider le convenu »,
« Ça inquiéterait trop nos dirigeants/nos équipes »,
« Nous avons déjà tout ce qu’il faut en salles de crise et en com de crise »,
« On n’a pas le temps de s’occuper de ça » [ça : le risque élevé de déroute],
“De ces risques, je n’en parlerai jamais en Comité de Direction »;
« On verra ça l’année prochaine »,
« On a déjà les JO 2024 sur le dos, donc pas le temps pour les surprises »…
Voire la réponse écrite :
« Nous en avons discuté en CODIR et avons décidé de ne rien faire, mais je suis certain que l’avenir vous donnera raison. Signé : le DG »
… on ne peut qu’être quelque peu préoccupé.
Passer du constat à l’action, c’est le sens de mon dernier livre : « Sociétés déboussolées – ouvrir de nouvelles routes », Persée, septembre 2023. https://www.editions-persee.fr/wp-content/uploads/2023/09/Dossier-presse-Lagadec.pdf