Non classé31 octobre 2025Par Patrick LagadecPatrick Lagadec, « L’IA et les surprises stratégiques » (2)

Publié sur LinkedIn le 31 octobre 2025.

PL, QUESTION À CHAT GPT : Henry Kissinger a notamment indiqué qu’en 1914 un piège avait fonctionné : jusqu’alors, le processus de mobilisation prenait un mois; en 1914, le développement du chemin de fer réduisit considérablement ce délai, et les diplomates n’eurent pas le temps de maîtriser l’emballement. C’était une nouvelle donne à laquelle personne n’était préparé. Question : est-ce que, si on avait disposé de l’IA, il aurait été possible de saisir cette mutation du terrain stratégique ?

ChatGPT a dit :

« Excellente question — et elle touche à un point que Kissinger aimait particulièrement souligner : le rapport entre la vitesse technologique et la lenteur du jugement politique.

Tu fais bien de rappeler son idée du « piège de 1914 » : le système des mobilisations ferroviaires avait créé une dynamique mécanique, rigide et auto-entretenue, que la diplomatie — lente par nature — ne pouvait plus enrayer. C’est exactement le type de transformation structurelle que l’intelligence artificielle, en théorie, aurait pu rendre visible.

 

Voyons cela de manière analytique :

🔹 1. Le « piège ferroviaire » de 1914

Avant 1914 :
• Les mobilisations prenaient 3 à 4 semaines.
• Les États pouvaient négocier pendant ce laps de temps : on voyait venir la guerre.

En 1914 :
• Le réseau ferroviaire européen (et les horaires de mobilisation planifiés à la minute) a fait passer ce délai à quelques jours.
• Une fois enclenchée, la machine logistique devenait irréversible : toute tentative d’arrêt risquait de créer le chaos dans la mobilisation.
• Résultat : la diplomatie ne pouvait plus suivre la vitesse de la mobilisation militaire.

→ Ce décalage entre le temps technique et le temps politique est, selon Kissinger, la véritable cause systémique de la catastrophe.

 

🔹 2. Ce qu’une IA aurait pu voir

Une IA moderne, dotée de capacités d’analyse systémique et de simulation dynamique, aurait probablement détecté l’émergence de ce “piège de vitesse” :

a. Analyse des réseaux logistiques

En intégrant les données :
• Plans ferroviaires (densité, cadences, priorités militaires)
• Délais de mobilisation par pays
• Contraintes géographiques et diplomatiques

… elle aurait vu une accélération exponentielle des délais de projection militaire par rapport aux décennies précédentes.

👉 L’IA aurait donc pu signaler :

“La fenêtre de négociation en cas de crise majeure est passée de 30 jours à moins d’une semaine. Les interactions diplomatiques sont désormais structurellement en retard sur les contraintes de mobilisation.”

b. Simulation de crises

Par simulation multi-agents, elle aurait testé des scénarios du type :
• Si l’Autriche mobilise contre la Serbie, combien de jours avant que la Russie puis l’Allemagne soient entraînées ?
• Combien de temps avant que la France soit forcée de suivre ? 

Résultat attendu : un effet domino quasi automatique, avec un horizon de crise de 72 heures. → Autrement dit : la guerre deviendrait une fonction du temps, pas de la volonté.

c. Alerte stratégique

Une IA aurait donc pu émettre un avertissement structurel, du genre :

“Les systèmes européens d’alliance et de mobilisation forment un réseau instable : le seuil de déclenchement automatique d’un conflit généralisé est désormais inférieur à la capacité de réaction diplomatique. Les dirigeants ne disposent plus du temps nécessaire pour arbitrer.”

 

🔹 3. Mais… aurait-on écouté cette IA ?

C’est là le point clé. Même si une IA avait vu la mutation du terrain stratégique, rien ne garantit qu’elle aurait modifié les comportements.
• Les élites militaires de 1914 étaient fascinées par la précision du calendrier ferroviaire — symbole de la modernité.
• Les diplomates restaient ancrés dans un monde où la guerre était encore “lente”, négociable, et où l’honneur national comptait autant que la logistique.
• Le concept même d’alerte systémique issue d’un modèle mathématique aurait été incompréhensible ou jugé irréaliste.

👉 Autrement dit : l’IA aurait pu prédire la guerre totale — mais pas l’empêcher, faute de culture stratégique pour l’interpréter.

 

🔹 4. Ce que cela nous dit aujourd’hui

Le parallèle avec notre époque est saisissant :
• En 1914, la vitesse logistique a dépassé la diplomatie.
• Aujourd’hui, la vitesse algorithmique (IA, cyber, finance, drones) risque de dépasser la décision politique humaine.

Une IA pourrait aider à voir ce déséquilibre, mais seule une culture stratégique lucide pourrait le corriger. Sinon, comme en 1914, l’homme reste prisonnier d’un système plus rapide que lui. »

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