Publié sur LinkedIn le 5 août 2025.
« Gouverner, c’est savoir réagir à des situations imprévues avec des solutions inédites. »
Patrick WEIL
Les récentes redditions auraient dû donner lieu à des prises d’initiatives fortes et immédiates.
Pour l’heure, pour dire le moins, on ne voit guère de réaction à la hauteur des enjeux.
Posons qu’il n’est pas trop tard.
Même si c’est une terrible épreuve de sortir de l’ornière de l’échec, même si l’Europe n’est pas préparée à faire face à une telle situation, posons qu’on peut vouloir et faire.
Sans rechercher la perfection, qui laisserait la voie libre à la déroute, prenons le risque de quelques perspectives concrètes pour embrayer un peu sur le déferlement actuel – l’essentiel est de se mettre en dynamique d’invention, loin de l’attente paralysée :
0. Sortir de la posture de l’édredon : nos visions de la « négociation » sont totalement hors sujet actuellement. Ouvrons d’autres espaces d’intelligence, d’invention et d’action. Et mettons en place les conditions d’une autre sortie que la reddition et le dépeçage du continent.
1. Mettre en place une Task-Force européenne pour cartographier clairement la situation actuelle (loin des écrans de fumée des éléments de langage consacrés) :
a. les risques vitaux représentés par les « accords » accordés en Écosse, les dérives qui se profilent, les surprises plus graves qui nous attendent ; les béances qui nous empêchent d’agir.
b. les volontés qui pourraient être réunies pour une action autre que la capitulation à la petite semaine : identifier et mobiliser les forces positives ; approcher les acteurs hostiles à toute action qui pourrait ne pas plaire à qui nous impose la faillite (qui méprise les faibles ne sera jamais rassasié par ceux qui s’aplatissent en espérant pitié et bienveillance – même l’achat de milliers de F-35, le renoncement à toutes les normes, l’abandon de toutes les protections environnementales et sanitaires, ne suffiraient pas).
c. Les pistes d’action possibles, combinant les dimensions surprise, brutalité, systémique. (Comme un retrait immédiat des Réassureurs européens et suisses du marché US, à la veille de la saison cyclonique : effets majeurs sur les USA et notamment la Floride).
Les conditions d’une mise en œuvre effective étant cette fois étudiées et maîtrisées, loin des simples évocations de possibilités de rétorsion qu’on ne mettra jamais à exécution faute et de conviction et de préparation.
d. La conduite d’une action dynamique avec les acteurs « menants » : acteurs étatiques et non étatiques, sans oublier la société civile (le Canada l’a fait), pour donner consistance aux décisions.
Sans initiative nette, immédiate, à objectif opérationnel stratégiquement pensé et conduit, les amas organisationnels en charge, désemparés face à des offensives totalement OVNI, finiront par préférer le sabordage.
Il y faut une volonté politique. Il y faut de l’initiative. Et une aptitude à traiter les ruptures – non plus seulement les crises passagères.
Pour préciser la référence à l’édredon, cette citation de Franklin D. Roosevelt rapportée par Richard E. Neustadt : « Le Trésor est une si grande administration, si enserrée dans ses habitudes que je trouve presque impossible d’en obtenir l’action et les résultats que je souhaite. Mais le Trésor n’est rien comparé au Département d’Etat. Tentez donc d’obtenir quelque changement dans l’approche, la politique, et l’action des diplomates de carrière, et alors vous saurez ce qu’est véritablement un problème. Mais le Trésor et le Département d’Etat ne sont rien ensemble comparés à la Na-a-vy. Les amiraux, ça c’est quelque chose… Changer quoi que ce soit dans la Na-a-vy, c’est comme frapper dans un édredon à plumes. Vous le boxez du droit, vous le boxez du gauche jusqu’à ce que vous soyez totalement épuisé; et alors vous retrouvez cet édredon de malheur exactement dans l’état où il était quand vous avez commencé à le boxer. »
NEUSTADT, Richard E., 1980 : Presidential Power. The Politics of Leadership from FDR to Carter, John Wiley & Sons, New York, p. 33.