Non classé31 octobre 2025Par Patrick LagadecPatrick Lagadec, « L’IA et les surprises stratégiques »

Publié sur LinkedIn le 31 octobre 2025.

 

Question à Chat GPT :

Est-ce que l’état-major français en 1914, s’il avait eu recours à l’intelligence artificielle, aurait été alerté sur le risque de voir les Allemands violer les frontières belges ?

Idem en 1940 : l’IA aurait-elle attiré l’attention sur le risque de voir les Allemands passer par les Ardennes tenues pour infranchissables – parce que Hitler, prenant à contre-pied son état-major et suivant les vues de von Manstein, choisirait une option totalement « impensable » ?

ChatGPT :

 » C’est une question fascinante — et très féconde si on veut réfléchir au rôle de l’intelligence artificielle dans la décision stratégique. Examinons les deux cas séparément, puis en comparaison.

 

1. En 1914 : la violation de la neutralité belge

Contexte

L’état-major français (Joffre et son entourage) fonde le plan XVII sur une hypothèse : les Allemands attaqueront principalement par l’Alsace-Lorraine.

Pourtant, plusieurs signaux indiquaient que le plan Schlieffen allemand passait par la Belgique :
– Renseignements diplomatiques (rapports belges, britanniques, russes).
– Mobilisation allemande observée dans le nord.
– Infrastructure ferroviaire allemande conçue pour une offensive vers Liège.

Si une IA avait existé…

Une IA moderne capable de fusionner les données ouvertes (renseignements, cartographie, logistique, doctrine militaire) aurait probablement :
– Attribué une forte probabilité (70–80 %) à un passage par la Belgique, simplement en observant la densité ferroviaire et les lignes de déploiement.
– Détecté une incohérence entre la posture française (offensive vers l’est) et la logique géostratégique allemande (recherche d’un encerclement rapide).
– Et donc émis une alerte stratégique : “le plan français suppose une hypothèse moins probable que celle d’une offensive nord via la Belgique”.

Mais…

L’état-major de 1914 aurait-il écouté cette IA ?

Probablement pas.

Le biais idéologique (l’offensive à outrance, la foi dans la volonté morale, la sousestimation du renseignement) aurait rendu l’alerte inaudible.

👉 L’IA aurait vu le risque, mais pas convaincu les décideurs.

 

2. En 1940 : le passage par les Ardennes

Contexte

En 1940, le haut commandement français (Gamelin, Georges) considère les Ardennes comme infranchissables pour des forces blindées.

La doctrine allemande (Manstein, Guderian) choisit précisément cette voie “impensable”, réalisant la percée de Sedan.

Si une IA avait existé…

Une IA stratégique, alimentée par :
– Des données sur la topographie, les infrastructures routières et les conditions de franchissement.
– Les innovations doctrinales allemandes (Blitzkrieg, concentration des blindés, usage combiné aviation-terre).
– Les mouvements de reconnaissance précédant la campagne.

aurait peut-être :
– Identifié un risque émergent de contournement par une zone jugée “faible” dans le dispositif français.
– Corrélé la doctrine allemande de vitesse et surprise avec la logique de “pénétrer là où on ne vous attend pas”.

Et donc signalé la vulnérabilité ardennaise, même si le scénario semblait “improbable”.

Cependant…

La difficulté ici est que l’option “Ardennes” n’était pas rationnelle selon les standards de l’époque.

Une IA, entraînée sur des données doctrinales et logistiques de 1939, aurait pu sous-estimer un choix aussi atypique.

👉 En clair : si elle était purement inductive, elle n’aurait peut-être pas anticipé une décision aussi contre-intuitive que celle d’Hitler-Manstein.

Mais une IA dotée d’un module de jeu stratégique (type AlphaZero ou simulation de scénarios adverses) aurait pu détecter que “le meilleur coup” pour surprendre les Alliés était précisément celui jugé impossible.

🔸 En conclusion

L’intelligence artificielle aurait pu réduire l’aveuglement analytique, mais pas forcément l’aveuglement institutionnel.

En 1914 comme en 1940, les erreurs ne venaient pas du manque de données, mais du refus de penser l’impensable.

Une IA moderne aurait vu les signaux faibles — mais l’humain, prisonnier de sa doctrine et de sa culture militaire, aurait sans doute choisi de les ignorer.”

SPÉCIFICATION : alors que l’on voit une abondance de textes, posts, conférences, séminaires, formations… sur la puissance de l’IA pour réunir et traiter le maximum de données, il ne faudrait pas oublier le maillon le plus décisif : la préparation des états-majors à se projeter dans d’autres espaces, à interroger l’inconcevable et l’inconnu, à ouvrir de nouveaux questionnements, à explorer d’autres systèmes de navigation dans la surprise de haute intensité. Le piège serait de vendre de l’hallucination toujours plus à la mode, en oubliant les maillons les plus décisifs.

Un audit général, dans tous les milieux, serait ici d’une urgence aiguë.

Télécharger le PDF