Publié sur LinkedIn le 2 août 2025.
L’affaire a été réglée sur le golf de César. Que va-t-il se passer maintenant ? Vibrantes récriminations et vaines promesses jetées sur tous les plateaux pour dire au moins quelque chose et s’acheter un sauf-conduit après la bataille ? Mobilisation de façade pour sauver la soldate envoyée au front sur fond d’impuisssance et de démission collectives ? Montée en ligne des acteurs d’une scène industrielle dépassée pour sauvegarder quoi qu’il en coûte leurs positions autrefois dominantes, au détriment de nouvelles lignes d’investissement ? Vaines tentatives de petits arrangements individuels avec le parrain du Potomac ? Déchirements sans fonds entre membres d’une Union qui, comme un gouvernement (Sir Humphrey, « Yes Prime Minister ») est essentiellement « a loose confederation of warring tribes » ? Consentement de confort à une vassalisation complète et définitive ? Repli général dans un déversement pathétique de récriminations sur les réseaux – solidement tenus par ceux-là mêmes qui se rendent maîtres notre avenir et notre assujettisement ?
Visons plus loin. Il est impératif que l’Europe accepte d’ouvrir la question de son existence et des conditions de cette survie dans un monde désormais marqué par le chaos, les dynamiques guerrières, les submersions technologiques, les attaques fondamentales sur la science et la démocratie, sans oublier les megachocs du climat (qui ne se sont encore qu’à peine dévoilés).
Cela passe, en premier lieu, par l’acquisition de nouvelles aptitudes à naviguer dans ce monde fait de ruptures « inconcevables » et de turbulences pour lesquelles nos visions, nos modèles, nos contrats sociaux, ne sont pas configurés.
Cela appelle de nouvelles références et compétences en matière de pilotage, de leadership. À défaut, les tentatives de sursauts, de corrections, d’ajustements, de mobilisations resteront vaines.
Il va être urgent de s’y mettre. Sinon, c’est la dynamique de capitulation générale qui s’imposera, ouvrant grande la voie à tous les déchirements intérieurs.
RAPPEL :
Le 7 juillet 2025 de publiai ce post sous le titre : NÉGOCIATION : QUEL PARADIGME DE RÉFÉRENCE ?
L’UE est comme le Conseil syndical d’un ensemble de villas dont un promoteur cherche à s’emparer à ses seules conditions, au plus vite, et pour une bouchée de pain. Non pour les louer une fois la vente réalisée, mais pour s’ouvrir un vaste espace où il pourra construire un ensemble commercial hors échelle connue et régie selon ses propres normes.
Le Conseil syndical prépare, en consultant patiemment tous les propriétaires, des propositions de négociation pour parvenir à des prix de cession un peu « raisonnables ».
Mais le promoteur n’est pas du tout dans cette disposition : il va tout racheter à bas prix, il va tout raser, il fera un nouveau monde « alternatif ». Pour lui, il n’est pas question de « négocier ». C’est à prendre ou à laisser. D’ailleurs les bulldozers sont déjà en position, prêts à intervenir.
Le promoteur n’a pas seulement une perspective commerciale. Ses conseils ont une vision radicalement nouvelle de l’occupation des territoires et des ensembles humains qui pourront avoir accès à la nouvelle Riviera de ses songes. Et, tout aussi important, sans doute même le plus important, ce promoteur a un besoin personnel de se sentir exister contre tous ses démons extérieurs et intérieurs, ce qui l’oblige à constamment faire tout sauter, à écraser tout interlocuteur, à planter des drapeaux de victoire totale en tout lieu et en tout temps.
Le défi est terrible et nul n’a les clés. Les risques sont énormes quelles que soient les
stratégies de réponse.
– Tout précipiter sabre au clair, c’est le risque de voir les bulldozers entrer immédiatement en action.
– Aller tout négocier avec la déférence due à un promoteur susceptible et dominateur, chaque propriétaire de villa allant quémander une mansuétude entre businessmen qui se respectent : c’est le risque de se voir méprisé, et sujet d’autres diktats à chaque concession.
– Entrer dans la négociation en laissant du temps au temps, pour que la raison puisse prévaloir et pour s’assurer que chaque propriétaire de villa reste bien dans l’union (bien des villas sont en indivision, ce qui complique davantage) : c’est le risque de voir le promoteur s’irriter violemment en constatant que la proie qui lui est due va lui échapper.
Peut-être, tout en sachant éviter les provocations funestes, et tout en continuant à mettre en place des dispositifs classiques (car le promoteur pourrait finalement aller s’intéresser à d’autres proies), faut-il sortir du paradigme de la négociation entre acteurs « rationnels » et « raisonnables »), pour s’interroger sur d’autres pistes :
– des initiatives hors champ permettant de sortir du tapis de jeu imposé par le promoteur ;
– un nombre débordant d’initiatives pour brouiller aussi l’écran radar du promoteur ;
– des initiatives « disproportionnées » sur des points intelligemment choisis, pour désarçonner quelque peu le promoteur qui ne s’attend qu’à des répliques totalement phase avec la logique qui a toujours été la sienne.
Cela appelle bien sûr de très fortes préparations : la sortie de paradigme, tellement contre toutes les normes, est impossible si on ne s’y est pas préparé ; la disproportion est à haut risque; l’identification de mesures novatrices est également impossible et à construire, à partager et à imposer en l’absence d’une préparation forte à l’intelligence stratégique dans un monde où la sauvagerie est promue comme idéal de l’action. Et il faut des instances particulièrement rodée à un travail de haute qualité sur ces lignes de crête, et en mesure de venir aider à la navigation en univers chaotique.
Mais il n’est pas impossible d’apprendre en courant. Surtout si on y est contraint et que les enjeux sont vitaux.