Non classé29 juillet 2025Par Patrick LagadecPatrick Lagadec: L’Europe après sa guerre du golf perdue en une heure : Suicide de confort ou initiatives « inconcevables » ?

Publié sur LinkedIn, 29 juillet 2025

L’humiliation faite à Ursula von der Leyden, et à chaque Européen regardant cette reddition sans condition aux pieds d’un César triomphant, peut donner lieu à deux trajectoires opposées en matière de « réactions ».

La première : « On s’en sort pas si mal ».

« On a échappé à bien pire ; nous n’avions aucun autre choix ; passons à autre chose ».

Il s’agit simplement de trouver les bons « éléments de langage » permettant à chacun de calmer les critiques, de cautériser les blessures d’amour-propre, de masquer les difficultés qui nous attendent et surtout de ne pas ébranler plus encore l’édifice.

Montons à l’assaut avec des épées de carton, en brandissant des menaces vides – parce qu’on sait parfaitement qu’on ne les mettra jamais à exécution (et l’adversaire aussi bien entendu) : « Nous allons rétorquer sur les services, et avec toutes les armes que nous n’avons pas utilisées ».

Créons ici ou là quelques crises intestines secondaires qui, tout en n’ayant aucun effet sur la situation subie, permettront au moins de détourner l’attention, d’ajouter la confusion nécessaire pour éviter toute mise en cause, toute réflexion, toute proposition.

Il s’agit avant tout de donner un peu de divertissement quand il va falloir ingurgiter la ciguë américaine. Avant de boire au calice chinois. De subir un supplice indien. De connaître l’expulsion finale africaine. On gardera peut-être les Kerguelen, les Malouines et la Terre Adélie. Donc, finalement, « Tout est bien qui finit bien, et malheur à qui osera poser question – restons optimistes ! L’Europe en a vu d’autres. Rome ne s’est pas défait en un jour. »

La seconde : « Non, l’Europe ne doit pas mourir »

Le mal est profond. Au bord du gouffre, on ne peut échapper à un sursaut déterminé.

Même s’il faut croire aux miracles, il ne faut guère compter sur les institutions en place pour ouvrir et conduire en interne une réaction à la hauteur de l’enjeu – désormais d’importance existentielle, vitale. Elles peuvent toutefois, face aux menaces qui pèsent sur leur existence même, prendre au moins des initiatives – décalées.

Lesquelles ? Nul n’a déjà ni la carte, ni le mode d’emploi. À titre d’exemple, mais cela demande à être pesé, enrichi, amendé… une proposition. Il faut bien tenter de se mettre en mouvement avant la prochaine débâcle (il y en a déjà beaucoup en liste d’attente).

Action : Mettre sur pied un projet de type « Manhattan », mais ici à tout autre visée et pas sur plusieurs années. Il s’agit de penser les nouvelles routes, les nouveaux espaces pour une Europe mise au défi soit d’exister, soit de se laisser dépecer, pulvériser. Certes, il est déjà bien tard, mais baisser les bras n’est pas une option.

Piège : Non pas un immense referendum à 450 millions, ni un programme à 15 ans, ni un bazar visant à ajouter une confusion infernale permettant de ne toucher à rien… en attendant la prochaine débâcle. Ni même un rapport, qui sera d’autant plus salué qu’on s’empressera de lui trouver un placard.

Mais ? : un groupe de 10 personnes, esprits indépendants d’origines diverses, rompus aux questions de chocs et de survie collective d’importances existentielles, en mesure de penser des perspectives et des initiatives de ruptures créatrices.

Mission : Vous avez une page blanche, trois mois, et on attend des idées opérationnelles porteuses de sens et d’invention.

À titre de stimulants de départ :

a. Clarifier, pour aider à penser la situation, un certain nombre de chaînes de déroutes supplémentaires et vitales que l’Europe et ses membres pourraient connaître à brève échéance (y compris sur le front US).

b. Identifier, pour aider à la réflexion, les faiblesses historiques, institutionnelles, organisationnelles, managériales, qui conduiraient à des fiascos majeurs.

c. Détecter des leviers d’action qui pourraient être utilisés en matière de ripostes, d’investissements, de choix de leaders, d’adhésion de citoyens, etc., pour ne pas subir les chocs de l’histoire.

d. Cerner les préparations immédiates à proposer aux leaders en charge, pour les aider à ne pas tomber dans tous les pièges qu’ils vont rencontrer quand ils sont confrontés au chaotique et aux surprises de haute intensité.

e. Penser des architectures organisationnelles ultra-légères pour venir en appui aux dirigeants devant naviguer non seulement sous les chocs répétés de crises majeures, mais plus généralement devant naviguer dans des univers désormais faits de surprises radicales et d’inconnus.

f. Travailler aux conditions de mise en orbite de leaders taillés pour tenir les chocs et chaos qui sont devenus la norme.

Demande : « Surtout ne faites pas de rapport. Formulez quelques pistes concrètes. »

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